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Le blog de famillejac.over-blog.com famille silbernagel, sorties en famille, passion pêche de la carpe et pétanque

Silhouette !...

" Silhouette " 

 

Caché derrière un arbre, je la guette, elle pointe son regard sur la vallée bleue et profonde. Voilà des jours et des nuits qu'elle reste là, sans bouger.

Qui est-elle?...Qu'attend-elle?...

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Le souffle traverse la silhouette, elle ne bouge pas. Une cascade gigantesque donnant suite à une belle rivière d'une eau claire, bordée de rochers blondis par le soleil. Petit, je me souviens, je fabriquais mes mouches artificielles avec des plumes d'oiseaux, glanées dans la forêt sur les sentiers. J'y venais pêcher la truite fario, la "sauvage". Dans les bois de la vallée, je sentais l'odeur humide de la mousse en cueillant des champignons. Je croisais souvent des cerfs, des biches, des daims, des sangliers et même des renards. Aujourd'hui, tout ça n'est pour moi qu'un souvenir lointain, mais plus je regarde cette silhouette, plus je me rappelle. J'y ai construit une cabane avec des charbonnettes que des bûcherons avaient coupées et oubliées. Je sectionnais avec mon couteau des branches de sapin sur des grumes non nettoyées et dressais les murs de mon enclos. Bref, je faisais une propriété. Je plantais des glands autour de la bâtisse, cachant tout ce que je m'étais approprié. Le garde-forestier, les chasseurs le savaient, dès qu'ils s'approchaient de mon petit jardin secret, ils ne tiraient pas sur les animaux, cela était au petit jacques, une réserve. Les bois étaient magnifiques, aucune maison aux alentours, seule la forestière du garde et une chapelle en bois. On y entrait par trois marches de terre, soutenues par de petits troncs en travers. Une grille de métal protègeait un crucifix, une statue de la vierge. Un chandelier de chaque côté en cuivre et laiton, mais jamais de bougies.

  

 

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 Tout ceci n'est plus. Des bulldozers ont tout rasé. Des maisons ont poussé dans la vallée, plus de rouge que de vert. La pollution, le bruit audible depuis l'arbre où je me tiens en ce moment. La silhouette est toujours là, elle ne bouge pas. on n'entend même plus le chant des oiseaux. Un jour que je rentrais bredouille de la pêche, je rencontrais un oiseau blessé, piaillant sur le sentier de ma cabane. Je l'ai pris, emmené vers l'eau. Il buvait sur mon doigt la goutte que je lui présentais, me pinçait. Avec des épines de sapins et de toutes petites branches, je lui fis un nid pour le coucher, mais un jour il n'y était plus. Sans doute sa mère vint le chercher. Je fus heureux et triste à la fois.

 

 

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Doucement la brume remonte la vallée, la silhouette se distingue plus mal. Je m'accroche à l'écorce de l'érable, m'aidant à me redresser. Je soupire après l'effort et pose une main sur mes vertèbres douloureuses, puis marche. La chute d'eau devient perceptible au fur et à mesure que j'avance. Le bord du précipice n'étant pas loin, tout en faisant attention à ne pas faire de bruit, je m'essuie les mains sur mon pantalon. Je regarde la nappe dormante s'étirer dans le vent léger, me laissant deviner le son de la cloche de la "chapelle du bois". La couverture blanche ressemble à une étendue d'eau, un lac où l'on plonge appréhender l'imaginaire, pour le toucher. Quelle est belle sous ce phénomène atmosphérique!...

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Ces gouttelettes fines humectent mon visage, brouillent ma vue. Je respire les parfums de la nature, la vie. Mes bronches et poumons revivent. Je recrache le déchet de mes cigarettes, la nicotine emmagasinée depuis si longtemps. J'étincelle, je flamboie dans ma tête et je crie le regret d 'avoir pris cette première blonde, souffrant quand je n'en ai plus, tout en oubliant la silhouette à côté de moi. Elle me laisse entendre aucun souffle, ni même un geste, ressemble à une statue de pierre. Je sors un écran, un jet de vapeur de la bouche, voulant le confondre avec le brouillard. Je commence à grelotter, mes pieds prennent racine et les crampes se réveillent. Je croise les bras, me serre la poitrine, j'attends et reste debout. La brume me colle à la peau forme une couche, je dirais plastifiée me laissant  aucune sensation au toucher de l'épiderme. Mes perceptions auditives et visuelles deviennent plus fortes, la présence de la silhouette se rapproche de moi, se confond avec mon corps frigorifié, ne faisant qu'un. L'étendue claire sur la vallée s'ouvre, laisse apparaître la clarté solaire. Elle m'abandonne au bord du ravin à contempler le site d'aujourd'hui, laissant derrière moi mes souvenirs. Elle disparaît, je ne la revis jamais!...

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"L'ombre était moi et moi l'ombre"

"L'ombre vécut ce que je vis et moi je respirai l'ombre".

 

 

 

J.R.S.                                                                Le Puy, novembre 1997

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